Nous les attendions, elles sont arrivées… les premières procédures relatives la suspension du contrat de travail des salariés n’ayant pas respecté leur obligation vaccinale contre le covid-19 ont été engagées par des salariés.
En effet, des salariés ont saisi les Conseils de prud’hommes dans leur formation de référé afin que les juges de première instance statuent sur la validité de la suspension de leur contrat de travail dans l’hypothèse du non-respect de l’obligation vaccinale contre le covid-19 à laquelle ils sont soumis en vertu de leurs fonctions.
C’est ainsi que le CPH de Troyes (ordonnance du 5 octobre 2021, n° R 21/00027) et le CPH Saint-Brieuc, (ordonnances du 12 octobre 2021, n° 21/00024 et n° 21/00025) ont dû se prononcer sur cette épineuse question.
Ces deux juridictions ont alors transmis une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) à la Cour de cassation relative à la suspension du contrat de travail entraînant une perte de rémunération, prévu par l’article 14-II de la loi du 5 août 2021.
En effet, les conseils de prud’hommes ont relevé que les trois conditions nécessaires étaient réunies, à savoir :
- l’application de la loi au litige,
puisque les demandes des salariées revenaient à demander à ne pas faire application que la loi objet de la QPC,
- l’absence de déclaration préalable de conformité,
puisque lors de sa décision du 5 août 2021, le Conseil constitutionnel n’avait été saisi que de l’article 14-I A, et non 14-II, article qui fait l’objet de la QPC.
- le caractère sérieux ou nouveau de la question,
puisque cette loi, dans son article 14-II « a instauré de nouvelles mesures contraignantes dont la suspension du contrat de travail des salariés ne pouvant plus exercer leur profession du fait de non-vaccination contre le covid-19 ».
Ainsi, la question transmise à la Cour de Cassation par les deux conseils de prud’hommes est libellée ainsi :
« Les dispositions de l’article 14-2 de la loi 2021-1040 du 5 août 2021 relatives à la gestion de la crise sanitaire sont-elles contraires au préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 qui rappelle l’engagement de la France de respecter ou faire respecter l’ensemble des conventions internationales en ce que les conventions internationales font interdiction à tout pays signataire de priver tout travailleur quel qu’il soit d’une rémunération, d’une protection sociale par différents artifices et notamment une suspension arbitraire du contrat de travail ? »
C’est donc sur la question du respect des conventions internationales dont la France est pays signataire, interdisant à tout travailleur d’être privé de rémunération due à une suspension arbitraire du contrat de travail, que les juges prud’homaux se sont fondées.
Pour être complets il nous faut préciser que les faits d’espèce des deux affaires diffèrent légèrement.
Dans l’affaire qui était débattue devant les Conseillers prud’hommaux de Troyes, il s’agissait d’une salariée soumise à l’obligation vaccinale dont le contrat de travail a été suspendu au motif qu’elle ne satisfaisait pas à cette obligation. Cette dernière soutenait vouloir attendre la mise sur le marché du vaccin Sanofi contre le covid-19.
Dans l’affaire soumise à l’appréciation du Conseil de prud’hommes de Saint Brieuc, il s’agissait d’une salariée, en arrêt de travail, et qui s’inquiétait de voir son contrat de travail suspendu pour non-respect de son obligation vaccinale à sa reprise. Elle aussi souhaitait avoir la possibilité d’attendre la mise sur le marché du vaccin Sanofi.
Le conseil de prud’hommes de Saint-Brieuc a relevé que la loi du 5 août 2021 ne précisait pas la durée et l’issue de la suspension du contrat de travail en lien avec l’obligation vaccinale lorsque le salarié est, comme ici, en arrêt maladie.
C’est pourquoi, ce juge des référés a choisi de suspendre l’application de l’obligation vaccinale de cette salariée jusqu’à la décision du Conseil constitutionnel ou de la Cour de cassation.
L’employeur ne pourra donc pas suspendre la salariée, que ce soit pendant son arrêt maladie ou à son retour.
La Cour de cassation a trois mois pour décider si la question fait naître un doute raisonnable quant à une méconnaissance des droits et libertés garantis par la Constitution.
Et Si elle décide finalement de renvoyer la QPC devant le Conseil constitutionnel, ce dernier aura alors encore 3 mois pour se prononcer…