Mention expresse de dispense de reclassement : un nouveau régime en voie de progression
La loi du 08 août 2016 n°2016-1088 a modifié la procédure de licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle. Désormais c’est l’article L.1226-2-1 du Code du travail qui s’applique :
« L’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi. »
Or, dans son arrêt du 03 mai 2018 (n°17-10.234), la Cour de cassation a rappelé que si les réponses apportées par le médecin du travail postérieurement au constat d’inaptitude, sur les possibilités éventuelles de reclassement du salarié déclaré inapte, concouraient à la justification par l’employeur de l’impossibilité de remplir cette obligation, elles ne dispensaient pas cet employeur de toute recherche de reclassement.
Est- ce que cela signifie que les entreprises doivent toujours démontrer qu’elles ont recherché un reclassement dans ce cas précis?
Cet arrêt s’inscrit en fait dans la lignée d’arrêts précédents laissant aux juges du fond le soin d’apprécier souverainement le caractère sérieux de la recherche de reclassement (Cass. soc. 23-11-2016 n° 14-26.398). Toutefois, ces jurisprudences étaient rendues à l’aune de l’ancien régime jurisprudentiel, au regard de la date du licenciement qui avait eu lieu le 19 juin 2014 (dans l’arrêt du 3 mai 2018). Ce régime était plus restrictif et imposait en effet à l’employeur de justifier strictement du respect de son obligation de reclassement.
Les dernières évolutions législatives – applicables au 1erjanvier 2017 – autorisent désormais l’employeur à rompre le contrat de travail s’il justifie notamment de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail. Aussi, l’arrêt rendu par la Cour de cassation en mai dernier, ainsi que l’arrêt d’appel de 2016 confirmé par la Haute Cour ont été rendus sur la base de faits survenus à un moment où les nouvelles dispositions légales n’étaient pas encore applicables. Confirmant cette position, un arrêt d’appel de RIOM a enoncé « Cependant l’article L1226-2-1 dispense l’employeur de procéder à une recherche de reclassement dès lors que le médecin du travail a indiqué comme en l’espèce que ‘tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi’. (…) » (CA RIOM 03 AVRIL 2018 Arrêt n° HB/IM/NB). Il sera relevé que le licenciement de Madame Z dans cet arrêt datait du 6 octobre 2017, soit postérieurement aux nouvelles dispositions légales.
Ainsi, si la mention expresse susvisée est présente dans l’avis d’inaptitude, la procédure de licenciement est sécurisée pour les entreprises.Il n’est donc pas nécessaire de rechercher un reclassement lorsque l’avis du médecin du travail comporte la mention expresse de dispense de reclassement.Toutefois, si un poste disponible au sein de l’entreprise est identifié, il peut toujours être proposé au salarié déclaré inapte, si le médecin du travail valide cette proposition de poste.
Qu’en est-il de la consultation des institutions représentatives du personnel ?
Dans un autre arrêt du 03 mai 2018, la chambre sociale était également interrogée sur le fait de savoir s’il fallait consulter le Comité Social et Economique dans ce cas. Pour conclure à la négative, et ce sans motivation expresse, la Cour de cassation maintient sa jurisprudence selon laquelle la consultation des délégués du personnel s’impose, même lorsque le reclassement est impossible(du fait de l’apposition de la mention expresse prévue par l’article L.1226-2-1 du Code du travail). Etonemment, la Cour d’appel de RIOM avait retenu une position contraire dans l’arrêt ci-dessus, sans que ce dernier fasse l’objet d’un pourvoi en cassation:
« En conséquence la consultation du comité social et économique n’est pas fondéeet en tout état dès lors qu’aucune disposition ne prévoit de sanction, la salariée doit être déboutée de sa demande tendant à voir dire son licenciement dénué de cause réelle et sérieuse. » »
Ainsi, face à cette incertitude, il serait opportun de connaître clairement la position de la Cour de cassation au sujet de ces différentes évolutions législatives en cours.