A compter du 1er novembre 2019, un salarié justifiant de 5 années d’activité continue, ayant mobilisé un conseil en évolution professionnelle et justifiant d’un projet de reconversion professionnelle réel et sérieux pourra percevoir des allocations de chômage après une démission.
La loi « Avenir professionnel » a prévu l’ouverture du droit à chômage pour les salariés qui démissionnent dans le cadre d’un projet de reconversion professionnelle, à condition de justifier d’une durée d’activité spécifique. Ce dispositif, dont l’entrée en vigueur initiale était prévue au 1er janvier 2019, s’appliquera à partir du 1er novembre 2019.
Deux décrets du 26 juillet 2019 fixent les conditions spécifiques d’affiliation préalable pour ouvrir droit aux allocations d’assurance chômage après une démission, ainsi que les modalités d’examen de la demande par la commission paritaire interprofessionnelle régionale (CPIR), chargée d’apprécier le caractère réel et sérieux du projet de reconversion professionnelle.
Plusieurs conditions sont posées, et édictées au sein de la partie réglementaire du Code du travail :
- Cinq années d’activité ininterrompue sont nécessaires
L’ouverture du droit à chômage après une démission est subordonnée à une durée d’affiliation supérieure à celle requise en cas de privation involontaire d’emploi. Le salarié doit ainsi justifier d’au moins 1 300 jours travaillés au cours des 60 mois précédant la fin du contrat de travail (Règlement d’assurance chômage art. 4, g).
Sachant que rapportés à 5 jours de travail par semaine, 1 300 jours travaillés correspondent à 5 années de travail à temps plein, et que 60 mois correspondent à 5 ans, il en résulte que la condition de 5 années d’affiliation suppose une activité continue et à temps plein durant 5 années. En pratique, en cas de changement de contrat de travail, le moindre laps de temps séparant la fin du précédent contrat du début du suivant empêche de remplir cette condition.
Les périodes d’activité sont décomptées dans les conditions normales exposées à l’article 3 du règlement général. Les périodes d’inactivité habituellement non prises en compte en cas de privation involontaire d’emploi ne le sont pas non plus en cas de démission.
Les périodes de suspension du contrat de travail (maladie, congé parental d’éducation…) sont retenues à raison d’une journée par jour de suspension ou de 7 heures quand l’affiliation est calculée en heures. Ne sont pas prises en compte les périodes ayant donné lieu à l’exercice d’une activité professionnelle non salariée (sauf congé pour création d’entreprise) et les périodes de suspension du contrat d’un salarié en congé sabbatique (et autres congés sans solde), ou en mobilité volontaire sécurisée ayant donné lieu à indemnisation (Règlement art. 3 § 3).
La fin de contrat prise en considération pour l’ouverture des droits est en principe la dernière démission du salarié.
Si le salarié ne justifie pas de la condition d’activité antérieure spécifique mentionnée plus haut, il peut bénéficier d’une ouverture de droits à condition d’être en mesure de justifier que la condition d’affiliation requise se trouvait satisfaite au titre d’une démission antérieure, qui s’est produite postérieurement à la demande de conseil en évolution professionnelle (Règlement art. 8, al. 1 et 3).
- Le démissionnaire doit justifier d’un projet de reconversion professionnelle réel et sérieux
Pour ouvrir droit aux allocations d’assurance chômage, la démission doit être postérieure à la mise en œuvre d’un conseil en évolution professionnelle visant à mettre en place un projet de reconversion professionnelle dont le caractère réel et sérieux doit être attesté par la CPIR.
Le salarié doit adresser une demande d’attestation du caractère réel et sérieux de son projet professionnel, par tout moyen donnant date certaine à sa réception, à la CPIR agréée dans la région de son lieu de résidence principale ou de son lieu de travail (Article R.5422-2-1, I-al. 1 nouveau du Code du travail).
Pour que cette demande soit recevable, le salarié ne doit pas avoir démissionné de son emploi avant la demande de conseil en évolution professionnelle (Article R. 5422-2-1, I al. 2 nouveau du Code du travail).
Le contenu de la demande d’attestation et la liste des pièces justificatives devant être transmises par le salarié seront fixées par arrêté à paraître (Article R.5422-2-1, I al. 3 nouveau).
La CPIR procède à l’examen du dossier du salarié et se prononce sur le caractère réel et sérieux de son projet professionnel en appréciant la cohérence et la pertinence de certaines informations ainsi que leur connaissance par le salarié (Article R.5422-2-1, II nouveau du Code du travail).
Pour les projets de reconversion professionnelle nécessitant le suivi d’une formation, il s’agit des informations suivantes (Article R.5422-2-1, I-1o nouveau du Code du travail) :
– le projet de reconversion ;
– les caractéristiques du métier souhaité ;
– la formation prévue et les modalités de financement envisagées ;
– les perspectives d’emploi à l’issue de la formation.
Pour les projets de création ou de reprise d’entreprise, les informations prises en compte sont (Article R.5422-2-1, II-2o nouveau) :
– les caractéristiques et les perspectives d’activité du marché de l’entreprise à créer ou à reprendre ;
– les besoins de financement et les ressources financières de l’entreprise à créer ou à reprendre ;
– les moyens techniques et humains de l’entreprise à créer ou à reprendre.
La CPIR notifie sa décision au salarié par tout moyen donnant date certaine à la réception de cette notification (Article R.5422-2-2 al. 1 nouveau du Code du travail).
La CPIR peut soit:
- considérer le projet comme dépourvu de caractère réel et sérieux : la décision notifiée au salarié doit l’informer des raisons motivant le refus (Article R.5422-2-2, al. 1er nouveau).
Elle l’informe également de la possibilité d’exercer un recours gracieux contre cette décision, dans un délai de 2 mois à compter de sa notification.
Ce recours est examiné dans les conditions fixées à l’article R.6323-16, alinéa 2 du Code du travail, c’est-à-dire dans les mêmes conditions qu’en cas de refus de prise en charge d’un projet de transition professionnelle.
La décision prise sur le recours gracieux est notifiée au salarié par tout moyen donnant date certaine à la réception. En cas de confirmation du refus, elle doit être motivée (Article R.5422-2-2, al. 3 nouveau du Code du travail).
- attester du caractère réel et sérieux du projet : le salarié dispose d’un délai de 6 mois à compter de la notification de la décision pour déposer une demande d’allocations d’assurance chômage auprès de Pôle emploi (Article R.5422-2-3 nouveau du Code du travail).
Par conséquent, la démission du salarié doit intervenir après la demande de conseil en évolution professionnelle et, si elle est postérieure à la décision de la CPIR, suffisamment tôt pour que le contrat de travail ait pris fin avant l’expiration de ce délai de 6 mois.
- Pôle emploi vérifie la mise en œuvre du projet de reconversion
La loi prévoit un contrôle au plus tard au bout de 6 mois de perception des allocations de chômage de la réalité de la mise en œuvre du projet professionnel (Article L.5426-1-2, II du Code du travail). L’allocataire en est informé dans la notification d’admission à l’assurance chômage qui lui est notifiée par Pôle emploi (Règlement art. 43 § 1, al. 5).
Si l’intéressé ne peut pas justifier, sans motif légitime, de cette mise en œuvre, il est radié de la liste des demandeurs d’emploi, avec interdiction de se réinscrire dans les 4 mois qui suivent (Article R.5412-5, 2o bis modifié). En parallèle, le revenu de remplacement est supprimé pendant 4 mois consécutifs (Article R. 5426-3, 2o bis modifié).
A l’issue de cette suppression, la reprise de l’indemnisation ne peut intervenir qu’à certaines conditions détaillées au sein du règlement d’assurance chômage.
En premier lieu, le temps écoulé depuis la date d’admission à la période d’indemnisation considérée ne doit pas être supérieur à la durée de cette période augmentée de 3 ans de date à date.
Ensuite, le salarié démissionnaire doit :
- soit justifier d’une durée d’affiliation d’au moins 65 jours travaillés ou 455 heures travaillées depuis sa démission ;
- soit apporter auprès de l’instance paritaire régionale de Pôle emploi des éléments attestant ses recherches actives d’emploi, ainsi que ses éventuelles reprises d’emploi de courte durée et ses démarches pour entreprendre des actions de formation.
L’examen de cette situation, à la demande de l’intéressé, ne peut intervenir qu’à l’issue d’un délai de 121 jours (équivalents à 4 mois) après la date de radiation de la liste des demandeurs d’emploi. Dans ce cas, le point de départ de la reprise des droits est fixé au 122e jour à compter de la radiation.
En synthèse, si le droit au chômage est permis désormais pour les salariés qui démissionnent, les cas de recours à l’indemnisation sont restreints compte tenu des contraintes administratives décrites.
Le système ainsi institué ne devrait pas permettre de diminuer les demandes de ruptures conventionnelles, qui restent un dispositif beaucoup plus facile à mettre en œuvre pour bénéficier du chômage…
(Décrets 2019-796 et 2019-797 du 26 juillet 2019 : JO 28)