POUR RAPPEL
Principe : Ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.
(Cass. Soc. 25 nov. 2015, pourvoi n° 14-24.444 ; Ass. Plénière 5 avril 2019, n° 18-17.442)
LES OBLIGATIONS DE L’EMPLOYEUR DANS LE CONTEXTE DU COVID-19
Pour respecter son obligation de sécurité, l’employeur doit :
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Le 14 avril 2020, le Tribunal Judiciaire de Nanterre a condamné en référé la Société AMAZON FRANCE LOGISTIQUE pour manquement à son obligation de sécurité et de prévention de la santé des salariés, ce qui constitue un trouble manifestement illicite.
Pour faire cesser ce trouble, le juge ordonne à la Société AMAZON, sous astreinte d’1 million d’euros par jour de retard et par infraction constatée, de restreindre les activités de ses entrepôts à la réception des marchandises, la préparation et l’expédition de commandes de produits alimentaires, de produit d’hygiène et de produits médicaux, tant que la Société n’aura pas mis en œuvre, en y associant les représentants du personnel, une évaluation des risques professionnels sur l’ensemble de ses sites, ainsi que les mesures prévues par l’article L 4121-1 du Code du travail (prévention, information et formation des salariés, mise en place d’une organisation et de moyens adaptés).
Cette ordonnance de référé donne des indications sur le contrôle des juges des mesures devant être mises en place par l’employeur pour organiser la poursuite de l’activité sur site pendant la crise du Covid-19.
Le juge de référé liste les manquements de l’employeur à son obligation de prévention et de sécurité et conclut au non-respect de cette obligation ce qui constitue un trouble manifestement illicite.
Il a été jugé que :
- les instances représentatives du personnel n’ont pas été associées à l’évaluation des risques que la direction aurait menée;
Le fait :
-de mettre à disposition du CSE les documents uniques d’évaluation des risques,
-d’informer a posteriori le CSE de l’intégralité des mesures mises en œuvre au sein de la Société (sans même indiquer le nombre de réunion des instances ni même les documents présentés à l’appui de cette information ne permettant pas de rapporter la preuve de l’information),
-de simplement échanger des courriels avec les membres du CSE et de ne pas avoir tenu de réunion depuis le début de l’épidémie,
… ne suffisent pas à considérer que le CSE est associé à l’évaluation des risques.
- la Société n’a pas suffisamment évalué le risque de contamination à l’entrée de tous les sites qui obligent les salariés à emprunter un portique tournant;
« (…) risque de contamination à l’entrée dès lors que chaque salarié doit utiliser ce portique tournant pour pénétrer dans l’établissement, le respect des distances de sécurité et la distribution de gel hydro-alcoolique fourni individuellement à l’entrée à chaque salarié ne constituent pas des mesures de prévention suffisantes. »
- la Société n’a pas suffisamment évalué le risque de contamination s’agissant de l’utilisation des vestiaires ;
Le juge considère que l’utilisation des vestiaires n’a pas fait l’objet d’une évaluation suffisante :
-malgré la mise à disposition de moyens de désinfection pour permettre aux salariés de nettoyer la porte,
-« l’usage des vestiaire aux seuls salariés qui viennent au travail en transport en commun ou motocyclette» contraignait les autres salariés à déposer « leurs manteaux les uns à côté des autres sur des rambardes à proximité de leur poste de travail génère de nouveaux risques de contamination »,
-« la seule présence d’ambassadeurs hygiène et sécurité à l’entrée des vestiaires n’apparaît pas suffisante à assurer le respect de ces règles (distanciation sociale > en raison de l’exigüité des vestiaires) dès lors qu’aucune directive n’est donnée à ces salariés quant au nombre maximum de salariés pouvant occuper simultanément les lieux. »
- la Société n’a pas justifié de l’intégralité des plans de prévention avec toutes les entreprises extérieures;
Pas de protocoles de sécurité intégrant les risques liés à la contamination, absence d’actualisation des documents, documents incomplets ,…
- s’il n’est pas contesté que la fréquence des nettoyages a été augmentée, il n’est cependant pas justifié avec suffisamment de précision des protocoles mis en place, ce risque n’est donc pas suffisamment évalué ;
- la Société n’a pas suffisamment évalué les risques liés à la manipulation successive des colis de la réception sur site à la livraison par les chauffeurs qui présentent pourtant un risque de contamination ;
Le DUER se contente d’indiquer qu’il n’y a pas de risques en raison des délais de livraison. « Le seul fait d’affirmer que les gestes barrières permettent une protection efficace ne répond pas à l’obligation d’évaluer préalablement les risques avant de définir les mesures de sécurité et de prévention nécessaires. »
- la Société n’a pas assuré une effectivité suffisante des mesures de distanciation sociale;
- la Société n’a pas mis en place des mesures de formations des personnels suffisantes et adaptées ;
Le dispositif de formation est insuffisant « en ce qu’il apparait peu adapté à la mise en application à chaque poste de travail. Ainsi aucune formation particulière n’est dispensée sur l’emploi des gants, alors même qu’il est indiqué aux salariés que ces gants peuvent servir de support au virus ».
- la Société n’a pas évalué les risques psychosociaux.
« Il est en effet particulièrement nécessaire que cette évaluation rende compte des effets sur la santé mentale induits notamment par les changements organisationnels incessants (modification des plages de travail et de pause, télétravail, …), les nouvelles contraintes de travail, la surveillance soutenue mise en place quant au respect des règles de distanciation et les inquiétudes légitimes des salariés par rapport au risque de contamination à tous les niveaux de l’entreprise. »
Une nouvelle décision de justice du Tribunal Judiciaire de LYON rendue le 11 mai 2020 nous invite à toujours plus de vigilance !
A la lecture de cette décision, nous ne pouvons que vous conseiller :
- de faire constater par huissier que vous avez bien mis à disposition des salariés les équipements de sécurité, affiché les gestes barrières, et de manière générale, faire constater toutes les procédures mises en place afin de répondre à votre obligation de sécurité,
- et/ou faire signer une attestation à vos salariés indiquant que les équipements de sécurité leur ont été remis et qu’ils ont été formés aux gestes barrières ainsi qu’à l’utilisation de ces équipements.